Trait d’union 2006-2016- Quelles motivations à s’engager ? Quelle pertinence pour l’action sociale fribourgeoise? Paroles aux membres?:Catherine Nusbaumer (Service de l’enfance et de la jeunesse), Catherine Papaux (Service social de la Sonnaz), Lucia Galgano (Infodrog), Evan Charrière (Service social des établissements de Bellechasse) et Elisa Daini(Pro Infirmis)
Nous tenons à remercier nos intervenant-e-s, membres de Trait d’union de la première heure ou plus récemment adhérent-e-s, d’avoir accepté notre invitation à venir témoigner de leur engagement au sein de notre association et nous partager leurs questions ou préoccupations actuelles en lien à leurs champs d’intervention.
Tout d’abord, Catherine Nusbaumer, membre fondatrice et initiatrice des premières rencontres entre professionnels qui ont débouché sur la création de Trait d’union en 2006, a rappelé que c’est avant tout le désir de mieux collaborer entre acteurs du social qui les a réunis. Rapidement, dans un contexte de suspicion forte face aux demandes d’aides et de renforcement des barrières et des règlements administratifs concernant l’attribution de l’aide, la défense des intérêts des bénéficiaires a émergé comme un souci commun des professionnel-le-s de l’époque. Au-delà des conditions de travail ou salariales des professionnels, déjà défendues par d’autres associations, c’est le partage de valeurs communes et leur défense qui ont constitué le liant de base des futurs membres de Trait d’union : des valeurs citoyennes au-delà de celles déontologiquement déjà défendues par nos professions du social. Pour la création de l’association, les membres fondateurs ont pu s’appuyer sur l’expérience d’associations déjà existantes dans la partie alémanique du canton de Fribourg la Verband der Sozialtätigen Deutschfreiburgs (VSD) ou dans le Jura l’Association jurassienne pour l’action sociale.
Par la suite, les intervenant-e-s ont précisé leurs motivations à s’être engagé-e-s ou à s’engager au sein de l’association. Plusieurs dimensions ont été relevées : le partage de valeurs communes en lien aux objectifs de Trait d’union ; la bonne ambiance ; l’interconnaissance issue des différentes présentations, visites institutionnelles ou tables rondes ; la possibilité par les rencontres de se mettre ensemble pour améliorer ses pratiques ; le fait que certaines barrières tombent entre professionnel-l-es à l’occasion des rencontres, facilitant le travail de réseau par la suite ; les échanges durant l’apéritif ; la mise en place de petits groupes de travail permettant de faire entendre la parole des acteurs du social en construisant des interpellations communes aux politiques ; le maintien du lien avec les acteurs du terrain et leur réalités quotidiennes face un travail social multiple et en constante évolution; etc.
Les intervenant-e-s ont dans un deuxième temps tenté de pointer les enjeux actuels du travail social dans leurs champs spécifiques d’intervention, comme autant de thèmes pouvant être traités par Trait d’union dans l’une ou l’autre de ces actions futures.
Catherine Papaux, membre fondatrice et responsable du Service social de la Sonnaz a relevé le fait que les préjugés concernant les bénéficiaires avaient la dent dur. Elle a tenu à défendre une certaine responsabilité des acteurs du social à témoigner de leurs pratiques quotidiennes, des parcours de vie spécifiques des bénéficiaires de l’action sociale. La difficulté réside dans le fait de trouver la bonne manière de valoriser l’action sociale et ses effets. Le regard du grand public oscille souvent entre une certaine pitié ou au contraire un discours fortement responsabilisant voir culpabilisant, que ce soit envers le bénéficiaire ou le travailleur social.
Evan Charrière, assistant social aux établissements pénitentiaires de Belleschasse, a de son côté défendu les spécificités du travail en milieu carcéral. Les enjeux pointés ont été ceux de l’amalgame fort par rapport aux criminels étrangers, en rappelant que c’est avant tout la population « homme, jeune » qui est fortement représentée en milieu carcéral et que cette population est également surreprésenté dans la population étrangère. La question du non-sens du renvoi à répétition de certains étrangers sans autre recherche de solution a également été soulignée. La remise en question quasi-systématique et non circonstanciée de la réinsertion par l’ouverture progressive (conduites surveillés, mise en congé, etc.) suite aux assassinats d’Adeline ou de Marie a également été pointée, pour défendre l’évaluation différenciée de chaque situation. A ce propos, nous tenons à souligner qu’un avant-projet de loi a été mis en consultation au niveau du département de la sécurité et de la justice (DSJ). Entre autre concept d’ « Exécution des sanctions orientée vers les risques » y est débattu : http://www.fr.ch/cha/files/pdf81/151112_Rapport_explicatif_loi_execution_peines.pdf
Elisa Daini, assistante sociale à Pro Infirmis a elle mise en exergue la diminution des offres spécifiquement en lien à l’insertion ou à la formation spécialisée de jeunes adultes en situation d’handicap. Les places dans certaines institutions spécialisées semblent plus difficilement accessibles ou alors faire défaut, ce qui obligent le travailleur social ou les proches à devoir faire preuve de créativité, au détriment parfois de la qualité de vie et au risque que l’épuisement guette les uns et les autres. Elisa a enfin mentionné la mise en consultation durant l’année 2015 de deux avants projets de lois importants dans le domaine du handicap :
Lucia Galgano, chargé de prévention à Infodrog, a rappelé les objectifs de la centrale nationale de coordination des addictions. Sur mandat de l’Office fédéralde la santé publique (OFSP), Infodrog encourage et soutient la diversité, l'accessibilité, la qualité, le développement et la mise en réseau des différentes offres de thérapie, de conseil et de réduction des risques en matière d’addiction. Nous vous encourageons à visiter leur site, outil important d’information et de prévention : http://www.infodrog.ch/, qui recense l’ensemble des projets nationaux en cours, des publications, etc. Lucia a tenu en autre à mettre en exergue un des enjeux actuels de son champ d’intervention lié au vieillissement de la population toxicomane et sa prise en charge. La diminution du nombre de décès dus à la consommation de drogue est une des conséquences positives de la politique des quatre piliers mise en place en Suisse, en plus de la réduction de la criminalité, l’amélioration de la santé des toxicodépendants et la disparition des scènes ouvertes.
Pour terminer la soirée, l’assemblée a pu réagir aux différentes interventions des uns et des autres. La discussion s’est finalement concentrée sur ce qui doit faire sens pour les membres de Trait d’union en lien aux actions déjà menées depuis dix ans et aux perspectives pour la suite. Les fonctions d’interpellation, mais également de promotion de l’action de sociale ont particulièrement été débattues. Comment s’y prendre ? Quels combats mener ? Au-delà des réponses aux consultations politiques officielles, l’assemblée a défendu l’idée que Trait d’union puisse faire entendre la voix des acteurs du social en lien des thématiques spécifiques préoccupantes. Au-delà des tables rondes, la mise en place de groupe de travail et la rédaction de droit de réponses ou d’interpellation a été défendue. Plus globalement, c’est la publicisation et la promotion des grandes fonctions du travail social qui a été défendu, l’enjeu étant de pouvoir proposer un autre discours que celui souvent stigmatisant sur les bénéficiaires relayé par la presse. Plusieurs pistes ont alors été évoquées pour mobiliser la presse et présenter les parcours de certains bénéficiaires, dénoncer certains manques ou défendre les initiatives favorables au développement du vivre ensemble.
Les membres ont également défendu la mise en place d’une réelle collaboration avec la VSD.
L’apéritif a été l’occasion comme d’habitude de prolonger les échanges et surtout de favoriser le travail de réseau. Les membres ont également pu parcourir et se fournir en nouveaux flyers « Trait d’union », mises en œuvre pour les dix ans.